BIGARD
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TYPE DE STRUCTURE

Entreprise familiale

SIÈGE SOCIAL

Quimperlé (29300)

PDG

Jean-Paul Bigard

NOMBRE D’EMPLOYÉ·E·S

16 000

ANNÉE DE CRÉATION

1968

CHIFFRE D’AFFAIRES

4,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017 [1]

ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

10 millions de tonnes de CO² équivalent par an [2]

ACTIVITÉS PRINCIPALES

Abattage, découpe, transformation de viandes (bovin, ovin, porcin)

PRODUITS COMMERCIALISÉS

Essentiellement des viandes sans marque.
Quelques marques (Bigard, Charal, Socopa)

  1. Quimperlé, Finistère (29300)
    Siège social, Abattoir Bigard, Siège social Soccopa
  2. Venarey-les-Laumes, Côte d’Or(21150)
    Abattoir Bigard
  3. Marolles, Marne (51300), Abattoir Bigard
  4. Feignies, Nord (59606)
    Abattoir Bigard
  5. Formerie, Oise (60220)
    Abattoir Bigard
  6. Saint-Omer, Pas-de-Calais (62166)
    Abattoir Bigard
  7. Cuiseaux, Saône-et-Loire (71480)
    Abattoir Bigard
  8. Bonneville, Haute-Savoie (74130)
    Abattoir Bigard
  9. Castres, Tarn (81100)
    Abattoir Bigard
  10. Cholet, Maine-et-Loire (49300)
    Siège social Charal / Abattoir Charal
  11. Egletons, Corrèze (19300)
    Abattoir Charal
  12. Metz, Moselle (57050)
    Abattoir Charal
  13. Sablé-sur-Sarthe, Sarthe (72300)
    Abattoir Charal
  14. La Chataigneraie, Vendée (85120)
    Abattoir Charal
  15. La Roche-sur-Yon, Vendée (85000)
    Abattoir Socoppa
  16. Graces, Côtes d’Armor (22200)
    Abattoir Socoppa
  17. Le Neubourg, Eure (27110)
    Abattoir Socoppa
  18. Chateauneuf-du-Faou, Finistère (29520)
    Abattoir Charal
  19. Coutances, Manche (50200)
    Abattoir Socoppa
  20. Evron, Mayenne (53600)
    Abattoir Socoppa
  21. Croisilles, Orne (61230)
    Abattoir Socoppa
  22. Holtzheim, Bas-Rhin (67810)
    Abattoir Socoppa
  23. Cherré, Sarthe (72400)
    Abattoir Socoppa
  24. Celles-sur-Belle, Deux-Sèvres (79370)
    Abattoir Socoppa

1995

Début de la stratégie d’achats effrénés d’outils industriels, avec l’achat de 7 sites d’Arcadie cette année-là.

2010

Bigard est contraint de céder 4 outils industriels à un de ses concurrents par l’Autorité de la concurrence.

2012

L’Autorité de la concurrence condamne Bigard dans deux affaires distinctes, pour 2 millions d’euros d’amende au total.

2015

Lors de la crise porcine, Jean-Paul Bigard entame un bras de fer contre l’État pour ne pas augmenter les prix payés aux éleveurs… qu’il gagnera !

2017

Maxence Bigard (le fils !) se fait connaître en refusant éhontément de répondre à toutes les questions devant l’Assemblée nationale, notamment sur la non-publication des comptes du groupe.

Pour défendre ses marques, Bigard a bien compris qu’il pouvait miser sur la sympathie qu’éprouve la majorité des citoyen·ne·s envers les éleveur·euse·s et leurs systèmes d’élevage herbager en plein air.

De manière générale, l’image que souhaite donner Bigard est celle d’éleveur·euse·s proches de leurs bêtes, mais aussi des consommateur·rice·s, comme s’il n’y avait qu’un pas entre les prés verdoyants où les vaches paissent en paix sous les yeux bienveillants du·de la fermier·ère, et le grill sur lequel grésille la viande.

Sauf que Bigard, pour les éleveur·euse·s de bovins, est plutôt synonyme de course aux prix bas, de dé-territorialisation de l’agriculture et d’incitation à changer de système… vers des élevages de plus en plus gros, de plus en plus optimisés, où le lien entre l’animal et l’éleveur·euse a tendance à progressivement disparaître.

Un paradoxe quand on sait que Bigard souhaite mettre en valeur la noblesse des métiers de la viande, derrière un slogan simple et efficace : « L’art de la viande ». Lucien Bigard, fondateur de la marque éponyme, n’hésite pas à dire : « Quand on est fier d’une famille de produits, on est encore plus fier d’y mettre son nom de famille ». Les valeurs de dignité et de fierté affichées par la marque contrastent avec la réalité d’un groupe qui fait rimer promotion de l’élevage industriel avec mépris de ses éleveur·euse·s.

Sur son site, Bigard n’hésite pas à écrire : « Le dialogue avec les salariés et leurs représentants est une exigence, qui se concrétise à chaque niveau du groupe ». Toutefois, les faits semblent indiquer une réalité toute différente : licenciement d’un salarié, le jour de la naissance de ses deux enfants, pour des faits qui n’ont jamais été prouvés [3] ; avertissement de l’entreprise auprès de 13 salarié·e·s pour des pause-pipis jugées trop longues… [4]

Bigard mène en effet une politique industrielle et sociale plusieurs fois testée : achat au rabais d’une entreprise d’abattage en santé fragile et de son carnet de commandes, basculement des activités industrielles et commerciales sur d’autres sites, diminution de l’activité, fermeture de l’établissement. Grâce à ce processus, Bigard est l’acteur principal de la concentration de l’activité d’abattage-découpe en France.

Pour les éleveur·euse·s, cette stratégie a des conséquences dramatiques : Bigard maîtrise désormais près de 50 % des parts de marché de la viande bovine et s’en sert largement pour refuser toute amélioration de la rémunération des paysan·ne·s. Jean-Paul Bigard se classe parmi les 200 personnes les plus riches de France avec une fortune estimée à 550 millions d’euros [5], tandis que le revenu moyen des éleveur·euse·s de vaches à viande ne dépassait guère 1 000 € par mois en 2018.[6]
La stratégie agressive de concentration des abattoirs dont Jean-Paul Bigard ne se cache pas [7] complexifie le déploiement des circuits courts de commercialisation, qui font partie des seules solutions laissées aux éleveur·euse·s pour échapper aux rémunérations déplorables concédées par le géant de la viande.

Devenu spécialiste de la fermeture d’abattoirs, Bigard s’est assis plusieurs fois sur le droit du travail pour améliorer sa compétitivité et rationaliser ses coûts. Ce fut par exemple le cas en 2006, lorsque l’entreprise décidait de fermer son usine de Reims. Pour la Cour de Cassation, la saisine tardive des instances représentatives du personnel sur le projet de licenciement collectif a entraîné « pour le salarié un préjudice qui peut se cumuler avec celui né du licenciement sans cause réelle et sérieuse ». [8] En 2010, lors de la fermeture de l’abattoir de Lamballe, 45 salarié·e·s ont été licencié·e·s pour « faute grave ». [9] Par la suite, Bigard a été condamné par le conseil des prud’hommes de Saint-Brieuc à verser des indemnités de licenciement et à rembourser Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par les 10 salarié·e·s concerné·e·s qui avaient activé une procédure juridique en ce sens.[10]

À l’abattoir d’Ailly-sur-Somme acheté par Bigard en 2008, les effectifs salariés sont passés de 223 en 2010 à 131 en 2015,[11] puis zéro en 2017. Après plusieurs années de sous-investissement et de diminution d’effectifs, la direction a attendu que l’État la force à respecter le droit du travail en mettant en place du Plan de Sauvegarde pour l’emploi concernant les 94 salarié·e·s restant·e·s sur le site en 2016.[12]

La compétitivité tant recherchée par Bigard impacte évidemment la protection des animaux, étant donné que les transports d’animaux entre leur lieu d’élevage et leur lieu d’abattage sont toujours plus longs, et que les opérateur·trice·s d’abattoir n’ont pas le temps de manipuler correctement les animaux quand les cadences atteignent 450 porcs par heure.[13]

Cette recherche de compétitivité se matérialise surtout par une course aux prix bas qui impacte durement la structure des élevages, qui s’agrandissent dans l’objectif de résister grâce à des économies d’échelle.

Cette logique jette les bases d’une industrialisation de l’élevage à marche forcée. Alors que l’effectif de bovins baisse en France depuis plus de 10 ans, localement, des projets d’élevage industriel voient le jour, où peuvent être engraissés jusqu’à 1 000 bovins mâles. Basés sur un système entièrement fait de bâtiment dans lesquels les animaux n’ont pas accès au pâturage, ces élevages pratiquent des rations alimentaires où l’herbe cède sa place aux céréales et aux tourteaux, parfois issus de soja importé d’Amérique du Sud, avec des conséquences majeures sur le climat : déforestation et recul des prairies créant d’importants relargage de C02 dans l’atmosphère. Le regroupement d’un nombre important d’animaux sur une surface réduite pose en outre la question de la gestion de déjections qui contribuent également à la pollution de l’eau, de l’air et au dérèglement climatique.

Bigard fait partie des 35 principaux géants mondiaux de la viande et des produits laitiers qui ne déclarent pas leurs émissions ou les sous-déclarent. Selon une étude de 2018,[14] il émet 10 millions de tonnes de CO2 équivalent, y compris les activités de production agricole.

Problème : depuis 2015, la société civile n’a plus son mot à dire pour les projets d’ateliers d’engraissement de bovins de moins de 800 places puisque les consultations publiques ne sont plus obligatoires, l’État ayant relevé le seuil des installations classées.

L’État a quelques fois frappé du poing sur la table contre Bigard. Mais au-delà de discours prétendument acerbes, aucun gouvernement ne semble avoir eu la volonté politique de s’attaquer au géant de la viande… ni même de remettre en cause le moindre de ses privilèges.

En réalité, Bigard touche des dizaines de millions d’euros d’aides publiques chaque année, essentiellement sous forme de Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE), mais aussi sous des formats plus pernicieux : par exemple, Bigard fait partie des principaux bénéficiaires de la politique sanitaire d’éradication de la tuberculose bovine, qui lui permet en toute légalité d’acheter les animaux suspectés d’être infectés pour une bouchée de pain et de les revendre, une fois blanchis de tout soupçon, au prix du marché.[15] Dans certains départements, les éleveur·euse·s indiquent que ce sont même les services de l’État qui leur demandent de faire abattre leurs animaux suspects chez Bigard ![16] Le géant de la viande profite aussi des largesses diplomatiques de la France, comme en acceptant gracieusement l’invitation du président Emmanuel Macron à un voyage en Chine afin d’être aidé à y vendre ses produits.[17]

Bigard est aussi un des principaux bénéficiaires du vide de la loi Agriculture & Alimentation, votée en 2018 et qui, après des mois de concertation et de propositions en faveur d’une meilleure répartition de la valeur entre producteur·rice·s et distributeurs, n’a abouti à aucun renversement du rapport de force. Pire, pour atteindre l’objectif d’une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans la filière viande, le gouvernement se reposeexplicitement sur l’interprofession… au sein de laquelle Cultures Viandes, l’association

Disons STOP

aux pratiques scandaleuses du groupe Bigard !

1

Interdire l’achat des produits agricoles en-dessous de leur prix de revient et imposer la contractualisation aux industriels

2

Instaurer un arbitrage public des relations commerciales pour s’assurer que la couverture des prix de revient des producteur·trice·s est effective et cesser la relation de dépendance économique entre producteur·rice·s et leur acheteur, en l’occurrence Bigard

3

Soutenir le développement d’abattoirs de proximité au service des territoires et des filières locales sur tous les territoires, dont les abattoirs mobiles

4

Stopper les accords de libre-échange grâce auxquels les grandes entreprises s’engraissent sur le dos de la démocratie, nos territoires ruraux et notre alimentation

5

Instaurer des plafonds d’aides pour chaque bénéficiaire d’aides de la Politique Agricole Commune (PAC), afin de freiner l’industrialisation encouragée par Bigard et favoriser l’emploi paysan

6

Réorienter la PAC pour le développement de l’agriculture paysanne sur tous les territoires et la réponse aux demandes des citoyen·ne·s, avec notamment un soutien spécifique à l’élevage herbager.

[1]    Groupe Bigard : 1,5 Milliards ; Socopa:1,8 Milliards ; Charal : 866 millions

[2]     10 millions de tonnes de CO² équivalent

[3]     Le Télégramme, 16 septembre 2015.

[4]     BFMTV, 25 septembre 2008.

[5]     Challenges.fr ; Les 500 plus grandes fortunes de France 2019

[6]     Revenu courant avant impôt de 17 711 €/an pour l’OTEX Bovin viande selon le Réseau d’information Comptable Agricole 2017. Selon les données de l’Institut de l’élevage, le revenu moyen des exploitations spécialisées aurait baissé de 20 à 30 % en 2018.

[7]     L’Usine Agro, 17 juin 2016.

[8]     Cour de cassation, chambre sociale, audience publique du mardi 23 avril 2013

[9]     L’Usine Agro, 1e octobre 2010.

[10]     Le Télégramme, 7 décembre 2011.

[11]     Communiqué CGT, 2 novembre 2016

[12]     L’Action Agricole Picarde, 19 janvier 2017.

[13]     Le Télégramme, 23 novembre 2010.

[14]    https://www.iatp.org/sites/default/files/2018-07/Emissions_impossible_FR_web.pdf

[15]     L’Express, 25 octobre 2017.

[16]     Confédération paysanne, « Tuberculose bovine : comprendre et se défendre ! »,

[17]    Le Parisien, 4 novembre 2019